Facebook & Co… de la vie privée à l’intimité de la vie privée ?

Lors du dernier WebCamp de Montréal le 26 mai 2010, il y a eu une longue discussion sur la question de la vie privée dans les réseaux sociaux. Je voudrais donc compléter mon précédent billet du 21 mai (Facebook m’a tuer…) dans lequel j’affirme que la protection de la vie privée est une responsabilité individuelle. Voici un extrait :

Internet est de facto un espace public dans lequel des sociétés tentent de créer des espaces privés. D’une certaine manière, c’est une démarche paradoxale parce que contraire à l’ADN du Web : espace de transparence radicale. Parce que “Facebook & Co” vont continuer à modifier leurs conditions générales d’utilisation régulièrement, parce que votre entourage peut dupliquer vos données privées à l’insu de votre plein gré, parce que votre compte peut être piraté, parce que les bugs informatiques existeront toujours, parce que Facebook & Co ont besoin de vos données privées pour rentabiliser leurs services dans des publicités ciblées, tout (ou presque) est ou peut devenir un jour public.

Inutile donc de vous attaquer à Facebook & Co, vous êtes le seul responsable de la protection de votre vie privée.

Avec ce petit texte, je viens de me faire beaucoup d’amis : tout ceux qui veulent que celui qui crée le problème, règle le problème. Mais, est-ce que c’est celui qui crée l’espace plus ou moins “privé” qui crée le problème ? Ou celui qui étale sa vie privée ? Est-ce que Facebook & Co ont une obligation de résultat (protéger notre vie privée) ou une obligation de moyens (faire le maximum pour obtenir ce résultat sans être tenu d’y parvenir). On ferait un grand pas en avant si Facebook disait : nous avons une obligation de moyens. Tout le monde ou presque répondrait alors : non, vous avez une obligation de résultat !

De mon côté, n’ayant pas confiance dans la capacité de Facebook à protéger ma vie privée, j’utilise le service avec prudence. Si je publie des éléments de ma vie privée, c’est uniquement parce que je suis prêt à ce que ça devienne public. On est dans la même logique que dans un restaurant quand votre voisin vous écoute discrètement. Vous le voyez et vous vous dites : je ne veux pas parler moins fort et je ne veux pas changer de table… je reste sur ma table parce que ce que je dis sur ma vie privée n’a pas d’importance. Cela n’impacte ni mon identité, ni ma réputation. Mais comme je sais que quelqu’un m’écoute, je ne donnerai pas de détails sur l’intimité de ma vie privée.

Sur Facebook & Co, le distinguo Vie privée / vie publique est tombé à l’eau. Lorsqu’on gère sa vie numérique, il est maintenant plus pertinent de se concentrer sur le distinguo vie privée / intimité de la vie privée.

Kesako l’intimité ? Très simple : quand je sors de chez moi pour aller acheter du pain, c’est ma vie privée (dans un espace public). Quand je suis sous la douche, dans mon canapé, dans mon lit, c’est l’intimité de ma vie privée (= ma vie privée dans un espace privé). Votre vie sur Facebook, c’est comme quand vous allez à la boulangerie (vie privée dans un espace public). Tout le monde peut vous voir et ça ne vous gêne pas. Alors, si ça ne vous gêne pas dans le monde physique, pourquoi ce serait gênant sur Internet ? Très simple… parce que vous dévoilez aussi des éléments de l’intimité de votre vie privée !

Vous voulez utiliser une voiture mais vous ne voulez pas avoir d’accident ? Ce n’est pas possible. Mais, il y a des voitures qui sont plus sûres que d’autres et en général le prix va avec.

Vous voulez utiliser un réseau social mais vous ne voulez pas dévoiler votre vie privée ? Ce n’est pas possible. Mais, il y a des réseaux sociaux qui protègent plus ou moins votre vie privée. Par exemple, plutôt que de mettre des photos de mes enfants sur Facebook, j’utilise un lien “privatif” sur Picasa. J’ai l’impression que je prends moins de risques mais je fais quand même attention que mes enfants ne soient pas tout nus. Je pourrais aussi ouvrir un espace sur Hellotipi. A vous de choisir le service qui correspond à votre besoin et si aucun n’est conforme … soyez patient ! … un nouveau service verra peut-être le jour. Il y a par exemple Diaspora qui est en cours de développement : www.joindiaspora.com et qui veut concurrencer Facebook sur le terrain de la vie privée. Good luck!

Facebook m’a tuer…

A la différence de l’e-mail ou du téléphone, rien n’est totalement ou durablement privé quand on utilise les réseaux sociaux.

Le bon sens numérique impose de considérer les contenus que l’on publie sur les réseaux sociaux comme publics… quels que soient les paramètres de “confidentialité”. Protéger sa vie privée sur Internet est une responsabilité individuelle et non celle de Facebook & Co puisqu’ils n’y arriveront pas.

Internet est de facto un espace public dans lequel des sociétés tentent de créer des espaces privés. D’une certaine manière, c’est une démarche paradoxale parce que contraire à l’ADN du Web : espace de transparence radicale. Parce que “Facebook & Co” vont continuer à modifier leurs conditions générales d’utilisation régulièrement, parce que votre entourage peut dupliquer vos données privées à l’insu de votre plein gré, parce que votre compte peut être piraté, parce que les bugs informatiques existeront toujours, parce que Facebook & Co ont besoin de vos données privées pour rentabiliser leurs services dans des publicités ciblées, tout (ou presque) est ou peut devenir un jour public.

Inutile donc de vous attaquer à Facebook & Co, vous êtes le seul responsable de la protection de votre vie privée (plus d’explications sur billet Facebook & Co… de la vie privée à l’intimité de la vie privée ?). Pour ceux qui doutent encore, je vous invite à lire et faire suivre cet article du journal 01.NET :

Licenciés pour avoir dénigré leur direction sur Facebook

Deux salariés passaient devant les prud’hommes après avoir été licenciés à la suite de propos tenus sur Facebook. Mais la justice n’a pas réussi à statuer sur leur cas.

Extrait : “…la direction d’Alten n’a pas eu accès aux propos de ses salariés en allant elle-même scruter Facebook, encore moins en piratant les comptes. Elle a été prévenue par un autre salarié qui, lui, avait accès de manière tout à fait légitime à la conversation de ses collègues.

Cela dit, je connais la réponse de ceux qui veulent continuer à jouer : “Demain, tout le monde aura sa photo à poil sur Facebook et donc ce ne sera plus un problème”. Demain, c’est dans 5 ans ou dans 100 ans ? Demain peut-être (ou peut-être pas) et en attendant demain… il y a aujourd’hui ! Et aujourd’hui, 2 personnes peuvent écrire sur la porte de leur chambre : Facebook m’a tuer… Et pour les autres ? Une petite fessée ? Voilà le mode d’emploi si votre entourage manque de bon sens numérique :

fessebouc

(Photo montage d’Olivier Bruel)

Mise à jour du 11 novembre 2010

Quelques articles complémentaires sur 01 Net

Trois mois de prison ferme pour avoir insulté des gendarmes sur Facebook

Votre employeur peut-il vous coincer sur Facebook ?

Extraits de cet article :

“Salarié ou pas, tout le monde bénéficie de la liberté d’expression. On ne pourra donc pas vous reprocher de dénigrer votre entreprise… du moment que cela reste dans les limites de la loi : pas d’injure publique, pas de diffamation, pas d’incitation à la haine et pas de discrimination. Eventuellement, pas de divulgation de secret professionnel.

Ce qui ne règle pas tout, loin de là. Il se peut très bien que votre employeur vous licencie pour quelque chose qu’il a lu sur votre page Facebook ou sur votre fil Twitter, mais qu’il ne vous le dise pas. « Les salariés doivent être très vigilants quand ils s’expriment sur leurs pages », admet Thibault Grouas, consultant au Forum des droits sur l’Internet (FDI).”

“Une entreprise n’a pas le droit de collecter ni de stocker des données sur la vie privée d’un candidat ou d’un salarié. Elle ne peut pas refuser d’embaucher quelqu’un sur la base de ses orientations politiques, sexuelles, religieuses ou philosophiques, y compris si elles ont été trouvées sur un profil de réseau social (autant d’informations que Facebook permet de renseigner et d’afficher). C’est interdit par le Code du travail. Seulement voilà : « En pratique, il sera très difficile (et onéreux) de prouver que tel ou tel recruteur a utilisé les réseaux sociaux pour disqualifier un candidat », note Ronan Hardouin.”

Mise à jour du 19 novembre 2010

Quelques articles complémentaires sur 01 Net :

Critiquer son patron sur Facebook est un motif de licenciement

Extraits de cet article :

“Deux des personnes licenciées ont décidé de porter l’affaire devant le tribunal des prud’hommes en mai dernier. Elles considèrent que les propos ont été tenus dans le cadre privé, puisqu’elles ont agi en dehors des heures de travail et en utilisant leur propre matériel (ordinateur et connexion personnels). De ce fait, les messages postés sur leur mur relèvent de la correspondance privée.

Ces arguments n’ont donc pas été retenus par le conseil des prud’hommes. « Cette décision entérine le fait qu’Internet est un espace public. Chaque salarié a le droit à la liberté d’expression, mais tant qu’il s’en tient à ne pas franchir la limite de l’injurieux ou du diffamant » explique Diane Mullenex, avocate.”

Voilà c’est dit : INTERNET EST UN ESPACE PUBLIC donc Facebook est un espace public et vous êtes SEUL responsable de la protection de votre vie privée.

Barack Obama, expert en réputation numérique ?

A lire sur Challenges (édition du 22 octobre 2009), un article sur la réputation numérique :

Une image sur Internet, cela s’encadre
Informations indélébiles, flux incontrôlables : le Web disqualifie les vieilles recettes de la com. De plus en plus d’entreprises et de particuliers font donc appel à des experts en réputation numérique.

Voici les extraits qui ont retenu mon attention :

– “Début septembre, en visitant un lycée dans l’Etat de Virginie, Barack Obama s’est fait interpeller par un jeune qui lui demandait comment décrocher le job le plus important du monde. «Avant toute chose, faites très attention à ce que vous postez sur Facebook, a-t-il solennellement répondu. Quoi que vous y fassiez, tôt ou tard cela émergera de nouveau dans votre vie.»”

– “Barack Obama avait ouvert la voie durant sa campagne. Pour contrer les fausses rumeurs et la calomnie, les 750000 volontaires pouvaient se connecter au site FactCheck, et diffuser ainsi la bonne parole dans le cyberespace pour mieux façonner la réputation numérique du candidat. Cette élection-là s’est d’abord gagnée sur le Web.”

– Une citation d’Albéric Guigou, directeur marketing de Réputation Squad : «Noyer une mauvaise réputation sous quelque chose de positif ou de neutre nécessite énormément de création de contenus et de référencement de ceux-ci dans les moteurs de recherche comme Google.»

J’ai rencontré Albéric Guigou en septembre et un billet est à suivre sur Réputation Squad quand j’aurai testé ce service qui s’annonce très prometteur.